Ostéopathie crânienne : Effet idéomoteur, Embodiment et Placebo (Part 1)
Chapitre 2
Le point de vue de la Cranial Osteopathic Academy
La Cranial Osteopathic Academy fut monté en 1947 par des élèves de W. G. Sutherland. La mission de la COA est notamment de stimuler la recherche et la dissémination de la philosophie des principes et des techniques enseignées par W. G. Sutherland.
Aussi étant la première académie en Ostéopathie dans le champ crânien il semble légitime de s’en servir comme référence pour connaître une position officielle dans le domaine de l’ostéopathie crânienne.
Que dit la COA sur la recherche en ostéopathie crânienne concernant la mobilité rythmique et inhérente des os du crâne?
Si nous passons en revue le site de la Cranial Osteopathic Academy, on trouvera toute une page qui parle des nombreuses recherches qui prouvent l’existence d’une mobilité rythmique et inhérente des os du crâne[1]. En fait ils énoncent 38 recherches qui prouveraient l’existence d’un tel phénomène.
Recherches 1 à 16
Anatomie : y a-t-il fusion complète des os du crâne ?
Si on regarde en détails les 16 premières recherches on remarquera qu’elles débâtent principalement du fait que les os du crâne ne seraient pas forcément fusionnés à l’âge adulte.
Que cela soit vrai ou non ne change pas grand chose au débat. Car l’existence ou non d’une fusion incomplète des os du crâne à l’âge adulte n’est pas une preuve d’une mobilité rythmique et inhérente des os du crâne mais plus celle d’une plasticité crânienne qui serait alors plus présente au niveau des sutures.
Rappelons que même une structure particulièrement rigide comme un diamant peut aussi avoir une certaine malléabilité.
Recherches de 17 à 21
Celles-ci mentionnent des études faites sur des animaux. Cela n’avance pas le débat car ce n’est pas parce qu’un phénomène existe chez un chat qu’il existe chez un humain.
Recherches de 22 à 24
Ensuite on rentrerait (enfin) dans le vif du sujet :
On peut lire : « Cranial bone motion in humans is also well documented:” La traduction serait que “la mobilité des os du crâne chez l’humain est aussi bien documenté.”
Seulement 3 recherches sont citées dont la première de Frymann[2] qui est une ostéopathe ardente défenseuse de l’ostéopathie crânienne et qui a fabriqué un appareil pour mesurer de manière non invasive des changements micrométriques du diamètre crânien. Elle aurait réussi à montrer un rythme différent du rythme respiratoire.
La recherche de Heifetz and Weiss[3] aurait montré qu’une augmentation de la pression intracrânienne chez 2 cobayes comateux créait une expansion de la voûte crânienne. Cela ne montre en rien l’existence d’un mouvement rythmique et inhérent des os du crâne mais seulement de l’existence (encore une fois) d’une malléabilité de la boîte crânienne.
La recherche de Oleski[4] quant à elle ne montre pas l’existence d’un mouvement rythmique et inhérent mais simplement qu’un traitement aurait un effet sur la position des os du crâne. Intéressant mais sachant que 2 orthopédistes peuvent trouver des variations dans les mesures d’angle de scoliose[5], des mesures de variations micrométriques au niveau des os du crâne sont-elles significativement fiables ?
Recherches de 25 à 34
Ensuite sont nommées des recherches par des agences aérospatiales russes et américaines
Quatre recherches de Moskalenko sont nommées dont 2 faites sur des chats, qui ne nous renseignent guère sur la mobilité rythmique des os du crâne chez l’humain, puis enfin du concret avec deux recherches réalisées en 1999 et 2001[6][7] :
Par 2 types de protocoles de mesure différents il aurait mis en évidence des cycles de 5 à 14 pulsations par minute associés avec des oscillations des os du crâne comprises entre 0,3 et 1mm faisant varier le volume intracrânien d’environ 15mL. Allant ainsi dans le sens de ce qu’avait annoncé V. Frymann 30 ans auparavant.
Quatres autres recherches américaines sont ensuite nommées, mais qui encore une fois ne font état que d’une plasticité crânienne.
Recherches de 35 à 38
Les ondes de Traube Hering
Les quatre dernières recherches mentionnées pour « ajouter des preuves » à l’existence d’une mobilité rythmique et inhérente des os du crâne se rapporte aux oscillations de Traube-Hering.
Deux de ces recherches étudient l’effet d’une approche crânienne sur ces oscillations[8][9], et les 2 autres étudient la synchronicité de ces oscillations avec le CRI ressenti par des thérapeutes[10][11].
(Début d’une petite parenthèse)
J’avoue ne pas avoir lu dans les détails la recherche du graphe ci-dessus [11], Cette recherche montrerait qu’il y a chez certains praticiens la capacité de donner les moments d’extension et Flexion et ce de manière synchrone avec les oscillations de THM. 4un des exemples est montré d’un graphe (Fig 3). A y voir de plus près on note 42 « apex » de courbe de TH et 36 F° ou E° crânienne. Théoriquement par cette asynchronisation de fréquence tous les 7 pics d’oscillations de THM seraient parfaitement synchrones avec toutes les 6 F° ou E°. Si on considère comme valide une F° ou E° qui est donnée avec 33,6% de décalage d’un pic alors 30 mesures sur 36 seraient dans les clous (!!!) et 6 complètements asynchrones. Ci-dessous voici un graphe avec ces données et comparez le au shéma de la figure 3. Etrange similarité n’est-ce pas ?
(Fin d’une petite parenthèse)
Rappelons que synchronicité (tant bien qu’elle soit présente) ne veut pas dire causalité. Et si il y avait réellement corrélation ou causalité, cela ne prouverait toujours pas que le mouvement ressenti par le thérapeute soit un mouvement des os du crâne. Un mouvement de la tête du patient peut très facilement être mal interprété donnant une illusion de mobilité des os du crâne, comme nous le verrons plus loin.
Conclusion sur les recherches concernant la mobilité rythmique des os du crâne
Si nous faisons le point jusqu’à présent, sur les 38 recherches que mentionne la Cranial Osteopathic Academy qui prouveraient l’existence du « mouvement rythmique et inhérent » des os du crâne, seules 3 étudieraient et prouveraient effectivement l’existence d’un tel mouvement, les 35 autres ne démontrant que l’existence d’une plasticité crânienne ou d’une possible corrélation du CRI avec les ondes de Traube Hering.
Un peu léger vous en conviendrez pour montrer de manière irréfutable ce 4ème principe de Sutherland. On pourrait d’ailleurs presque croire qu’il y a volonté des auteurs à créer une confusion entre le terme de mobilité dans le sens plasticité et mobilité dans le sens rythmique et inhérent.
Admettons que l’on prenne ces 3 recherches pour acquises et qu’effectivement il existe une mobilité rythmique et inhérente des os du crâne.
Il faudrait par la suite prouver qu’un thérapeute soit capable de ressentir par la palpation une variation de mouvement de cet ordre de grandeur.
[1] Hollis H.King,DO,PhD,FAAO The Inherent Rhythmic Motion of the Cranial Bones http://www.cranialacademy.org/researchBONE.html
[2] Frymann VM. A study of the rhythmic motions of the living cranium. J Am Osteopath Assoc. 1971;70:1-18
[3] Heifitz MD, Weiss M. Detection of skull expansion with increased intracranial pressure. J Neurosurg. 1981;55:811-812
[4] · Oleski SL, Smith GH, Crow WT. Radiographic evidence of cranial bone mobility. J Craniomandib Pract. 2002;20(1):34-38.
[5] Kuklo B.R., Potter B.K., Reliability analysis for manual adolescent idiopathic scoliosis measurements, 2005 Feb 15;30(4):444-54
[6] Moskalenko YE, Kravchenko TI, Gaidar BV, et al. Periodic mobility of cranial bones in humans. Human Physiology. 1999;25(1):51-58
[7] Moskalenko YE, Frymann VM, Weinstein GB, et al. Slow rhythmic oscillations within the human cranium: phenomenology, origin, and informational significance. Human Physiology. 2001;27(2):171-178
[8] Nelson KE, Sergueff N, Glonek T. The effect of an alternative medical procedure upon low-frequency oscillation in cutaneous blood flow velocity. J Manipulative Physiol Ther. 2006;29:626-636
[9] Sergueef N, Nelson KE, Glonek T. Changes in the Traube-Hering-Meyer wave following cranial manipulation. Amer Acad Osteop J. 2001;11:17
[10] Nelson KE, Sergueff N, Lipinski CL, Chapman A, Glonek T. The cranial rhythmic impulse related to the Traube-Hering-Meyer oscillation: Comparing laser-Doppler flowmetry and palpation. J Am Osteopath Assoc. 2001;101(3):163-173.36
[11] Nelson KE, Sergueff N, Glonek T. Recording the rate of the cranial rhythmic impulse. J AM Osteopath Assoc. 2006;106(6):337-341 à voir ici
Un mécanisme n’est pas un mouvement 🙂 http://partenairesilencieux.com/post/111551494765/un-mecanisme-nest-pas-un-mouvement
Bonsoir,
Un autre article dans la même idée.
Bonne soirée,
Jules
Vitalisme et ostéopathie
Un lien, peut-être intéressant pour ajouter au débat. Si quelqu’un retrouve ce fameux article je prend. Merci
http://www.sudouest.fr/2015/10/06/tonneins-deux-osteopathes-mettent-le-doigt-sur-les-mouvements-du-crane-2146179-3887.php
Merci Fibulafloor pour ce lien,
Effectivement si qqu’un à un lien vers l’article en question…
Des questions restent alors en suspend :
1. 50microns ou alors 0,05mm avec une variation sur 5 secondes d’expansion cela fait une capacité de discernement de mouvement de 0,01mm par seconde. J’étais loin de me savoir si fort en palpation (c’est tout de même à peu près la taille d’une bactérie…)
2. Ressentir ce mouvement à travers les cheveux et cuir chevelu sans un contact direct avec le crâne ? sachant qu’un cheveux fait à peu près 0,1 à 0,05mm et au vu de la compressibilité d’une masse de cheveux, on ressentirait alors ce mouvement à travers un énorme coussin qui amortit (càd qui dissipe dans le temps une force/mouvement), ne parlons pas non plus du mouvement de la tête du patient en fonction de son rythme cardiaque et respiratoire, Impressionnant !
3 même si ce mouvement existait, comment expliquer que remettre un os en place de 0,05mm soignerait une sciatique ???
4. Même si il existait un mouvement (et pourquoi pas ) pourquoi ne pas d’abord étudier des effets connus (effet idéomoteur/carpenter ) avant de chercher des explications capillotracté ?